Salaires : la CGT-Cirad saisit la justice
Cela va bientôt faire un an qu’a débuté une grande et inédite mobilisation au Cirad [1] sur la question des salaires. Massivement, les salarié·e·s du Cirad se sont mis·e·s en grève, ont signé une pétition (plus d’un millier de signatures), envahi le stand du Cirad au Salon international de l’agriculture, et participé à différents rassemblements ( https://framavox.org/nos-salaires-au-cirad/ )
Aujourd’hui, la CGT-Cirad saisit la justice pour contester les conditions des négociations salariales au Cirad imposées par Bercy. L’audience aura lieu ce mardi 26 septembre à 9h, au tribunal judiciaire de Montpellier (place Pierre Flotte).
La CGT-Cirad appelle l’ensemble des personnels à la grève ce mardi 26 septembre, et à un rassemblement devant le tribunal dès 8h
Pourquoi les salaires stagnent au Cirad ? Autour de 2010, l’Etat a décidé d’imposer une cure d’austérité à ses opérateurs sous pression des « marchés » – il s’agissait de « rembourser la dette » provoquée par le renflouement, sans contrepartie, des banques après la crise financière de 2008 qu’elles avaient elles-mêmes provoquée. Au Cirad, deux mécanismes s’enclenchent : 1) alors que la masse salariale continue d’augmenter mécaniquement, la stagnation de la subvention met en tension le budget de l’établissement. Le Cirad équilibre les comptes en diminuant les effectifs, puis en se lançant dans une course effrénée aux contrats, mettant en tension les collectifs ; 2) la diminution du cadrage salarial, levier des plus efficaces : Bercy prétend décider tout simplement, comme dans les autres EPIC [2], de l’augmentation maximale de notre masse salariale, avant même le début des négociations. Ces dernières années, le cadrage de Bercy de plus en plus serré et la forte inflation accentuent la perte de pouvoir d’achat.
Est-ce légitime ? Au Cirad, ce cadrage de Bercy a motivé un décrochage des salaires par rapport à l’inflation (estimé à -23 % en moins de 30 ans). Certain·e·s collègues doivent prendre un deuxième travail pour compléter leurs revenus [un·e technicien·ne (Bac +2) est recruté·e avec environ 1 397 € nets mensuels (+7 % au-dessus du Smic)]. Aujourd’hui, les niveaux des salaires ne permettent plus de recruter et mettent en péril l’établissement [un·e jeune cadre scientifique (Bac +8) est récruté·e avec environ 1 900 € nets mensuels (+ 52 % au-dessus du Smic)]. Ce cadrage de Bercy n’a rien de légitime. La CGT estime qu’il suffirait de récupérer environ 1 des 5 à 6 milliards dont l’Etat se prive chaque année avec le crédit impôt recherche, dont bénéficient principalement des multinationales de l’informatique (Intel) ou du médicament (Sanofi) (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/09/06/qui-profite-du-credit-d-impot-recherche_4993109_4355770.html ), sans contrepartie et sans preuve d’efficacité sur l’emploi, pour régler les problèmes d’effectifs et de salaires dans l’ensemble de l’Enseignement supérieur et la recherche. Le caractère insupportable et injuste de ce cadrage de Bercy est désormais implicitement admis par la Direction du Cirad, puisque les négociations sur les salaires 2023 ont été suspendues pendant plusieurs mois.
Mais est-ce légal ? Ce cadrage de Bercy a comme conséquence de transformer les négociations annuelles obligatoires sur les salaires en simulacre de négociation : une fois le cadrage de Bercy connu, le niveau d’augmentation des salaires face à l’inflation est déterminé automatiquement. Ces dernières années, l’augmentation est proche de 0. Cela fait 10 ans qu’il n’y a pas eu d’accord salarial au Cirad, et presque autant de temps que les organisations syndicales ne signent même pas le procès-verbal de désaccord.
Or, le respect de ce cadrage par le Cirad n’a aucune justification légale, le ministère du budget n’étant même pas tutelle du Cirad.
Tout au plus, l’Etat émet, via la Commission interministérielle d’audit des salaires du secteur public (CIASSP), un avis sur l’évolution des rémunérations chez ses opérateurs.
La CGT-Cirad a donc décidé de contester au tribunal la légalité des négociations, qui doivent être conduites par le Cirad de bonne foi (c’est-à-dire dans un contexte qui crée des conditions propices à leur aboutissement) comme la loi le lui impose. Si cette démarche peut s’apparenter à une lutte de David contre Goliath, une décision favorable renforcera notre conviction : c’est avec nos tutelles, Ministères en charge de la recherche et des affaires étrangères, qui connaissent notre mandat, nos valeurs et nos missions, que nous devons discuter d’un réinvestissement de l’Etat dans le Cirad, sans le joug comptable de Bercy.
Vous pouvez venir à la rencontre des salarié·e·s du Cirad devant le tribunal à partir de 8h.
La CGT-Cirad
Contact : Thomas Balenghien, secrétaire de la CGT-Cirad (06 84 56 03 67)
[1] Le Cirad [Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, https://www.cirad.fr/ ] est un établissement public de recherche, œuvrant au développement durable des régions tropicales et méditerranéennes, sous tutelle du ministère en charge de la recherche, mais aussi du ministère en charge des affaires étrangères – le Cirad apporte son soutien à la diplomatie scientifique de la France. La mission confiée aux 1 650 salarié·e·s du Cirad, dont 1 140 scientifiques, est de « contribuer à un monde plus durable et à la réalisation des objectifs de développement durable [de l’ONU] grâce à des systèmes agricoles et alimentaires qui nourrissent sainement les populations, qui rémunèrent décemment les productrices et les producteurs, résilients face aux changements globaux dont climatiques, tout en préservant la biodiversité et les ressources naturelles ».
[2] Etablissement public à caractère industriel et commercial. Les autres EPIC à vocation de recherche sont : le BRGM, le CEA, le Cnes, l’Ifremer, ou encore l’Onera et l’IRSN